Pourquoi doit-on s’allonger sur le divan ?
Publié en juillet 2009 par Isabelle Taubes sur le site Psychologies.
On consulte un psy pour travailler sur soi à partir d’une exploration de l’inconscient. Ce travail de découverte n’est possible que si le moi conscient consent à s’absenter temporairement, pour laisser le champ libre à nos capacités de rêve et d’invention. Or la position allongée facilite ce lâcher-prise. Elle permet un état de détente et de relaxation maximale, favorisant l’expression d’une parole libre, non soumise au jugement critique, à l’auto censure.
Cependant le patient ne s’allonge pas dés la première séance. Lors des premiers entretiens, consacrés au repérage de sa problématique existentielle, familiale, amoureuse, il est assis. Le divan n’est utilisé que lorsque le travail est réellement engagé. C est-à-dire au moment – indécidable à l’avance – où l on cesse de « bavarder », de formuler des plaintes, pour se mettre à décrypter ses mécanismes inconscients : en analysant ses rêves, les images qui nous viennent en tête, notre ressenti face à l’analyste…
Assis face à un interlocuteur, nous tendons à être sur nos gardes. Nous sommes tentés de chercher à plaire, de donner de nous la meilleure image possible. Ce jeu de séduction, fort utile dans la conversation ordinaire, est un obstacle dans le cadre d’une thérapie. L’inconscient, en effet, ne surgit que par surprise : quand nous cessons de contrôler nos propos et nos pensées.
D’autre part, entreprendre une psychanalyse ou une psychothérapie suppose une régression spatio-temporelle : nous sommes invités à retrouver nos souvenirs d’enfance, nos fantasmes les plus anciens. Et Freud s’est très vite rendu compte que la position allongée nous renvoyait plus facilement au temps de l’enfance : être couché est la position privilégiée du tout petit enfant, incapable de contrôler efficacement sa musculature. Bref, le patient couché renoue avec son statut d’enfant dépendant de sa maman. A certains moments de leur thérapie, les patients peuvent souffrir de cette infantilisation forcée :
* – Cette expérience renvoie certains hommes à leurs angoisses de castration – à la peur de perdre leur virilité. Car ils se sentent en situation d’infériorité face au psy (homme ou femme) supposé tout puissant. Il leur faut pourtant en passer par là pour analyser leur relation avec leur propre identité sexuée et avec l’autre sexe.
* – Chez la femme, la position allongée est susceptible de faire remonter des fantasmes et des angoisses de viol, de pénétration, d’intrusion. Il s’agit là aussi de s’exposer, imaginairement, à une situation traumatique qui analysée fera progresser le travail.
Notons que le patient s’allonge, tandis que le psy est assis derrière lui : il est ainsi seul avec lui-même. Cette solitude le met à l’abri du jugement qu’il pourrait avoir l’impression de déchiffrer dans les yeux du psy. L’absence de regard sur nous, libère. Toutefois, elle est susceptible d’être pesante, dans les phases dépressives où il doute de lui, d’être désiré. Si le malaise est profond, au point d’empêcher le travail, le psy va inviter (temporairement) le patient à se lever et à poursuivre la thérapie en face à face. Car si le regard constitue un obstacle à la libre expression de l’inconscient, il constitue en revanche un solide appui pour le moi conscient : il désangoisse, rassure la personne sur sa valeur d’être sexué. Cette période de face à face peut durer des semaines, voire plusieurs mois. Il arrive que la dernière partie de la thérapie s’effectue de cette manière.
Il fut un temps, où les psys n’acceptait la relation en face à face qu’avec des patients trop perturbés pour supporter la solitude du divan. Grâce à l’apport du psychanalyste Jacques Lacan, a apporté davantage de souplesse.