Interview psychologie magazine:

3 questions à Pascale Zrihen, psychologue clinicienne et psychothérapeute spécialisée dans les troubles du comportement alimentaire (TCA).

Quels sont les signaux d'alerte auxquels l'entourage doit être attentif ?

Les parents, et l'entourage en général, doivent être vigilants dès lors que l'adolescente ou la jeune femme qu'ils côtoient semble commencer un régime.

La perte de poids n'est-elle pas trop rapide ? Sélectionne-t-elle rigoureusement les aliments qu'elle mange ? En élimine-t-elle certains ? Développe-t-elle des obsessions autour de l'alimentation (une passion soudaine pour la cuisine, l'envie de « faire manger la famille »...) ?
Ce sont autant de questions que je les invite à se poser.
Par ailleurs, ils peuvent aussi surveiller son état psychologique. Semble-t-elle particulièrement stressée, angoissée, en repli sur elle-même ? Les mamans ou les amies peuvent essayer de s'assurer que ses règles n'ont pas disparu. Les malades ont vraiment tendance à dissimuler leur mal-être et à manipuler leur entourage. Elles confient ensuite avoir « appris à vivre dans le mensonge ». Les proches doivent avoir conscience qu'il n'est pas toujours évident de déceler l'anorexie.

Alors, ils pourront aller vers la jeune femme et lui faire part de leurs inquiétudes, évoquer avec elle les questions de poids mais ne pas les stigmatiser. Ils peuvent commencer par lui dire qu'ils ne la trouvent pas en forme, stressée, et lui proposer un soutien psychologique, afin de bien lui faire comprendre que sa difficulté est prise au sérieux. Il est souvent très difficile de convaincre la jeune fille de consulter. Face à une ado, voire une préado, les parents doivent être force de persuasion et lui dire « je sais que tu ne veux pas aller voir le psychologue, mais je te demande de venir avec moi, parce que je m'inquiète pour toi et que tu es sous ma responsabilité ». De nombreuses patientes sont amenées à consulter dans ces conditions la première fois. Elles sont en général très remontées contre le corps médical au début mais au bout de quelques séances, on parvient à faire émerger des choses et à travailler sur le trouble. Ce bras de fer peut paraître très dur, mais c'est une nécessité pour la santé de la patiente. Dans d'autres cas, les jeunes femmes sont déjà tellement épuisées qu'elles acceptent de consulter sans se braquer, même si elles ne comprennent pas bien l'intérêt de le faire.