Les croyances sur la psychanalyse sont encore bien ancrée. Accusée d'être trop chère et trop longue, cette méthode est moins en vogue que dans les années 60/70. Pourtant, des voix de patients s'élèvent toujours pour la défendre et pour affirmer sa puissance thérapeutique.
La situation de la psychanalyse est paradoxale. Sévèrement critiquée par bon nombre d'intellectuels et de psychiatres, chassée des universités et des institutions de soin, elle a perdu le charisme dont elle jouissait dans les années 1960-70, quand Jacques Lacan et Françoise Dolto faisaient (presque) figures de prophètes. Or, « il n'y a jamais eu autant d'analystes et de patients. Nous vivons une période qui voit d'un mauvais oeil la perspective de prendre du temps ou, pire, d'en perdre. D'où l'engouement pour des traitements courts qui définissent à l'avance un programme de progression. Pourtant, la psychanalyse résiste ».
Plusieurs études prouvent qu'à long terme, elle est plus efficace que d'autres thérapies. Notamment dans le traitement des états anxieux. Il est possible d'entamer une analyse tout simplement parce qu'une gêne, pas trop douloureuse mais tenace, limite nos possibilités d'être bien. Les gens qui sont vraiment en souffrance ne se rendent d'ailleurs pas forcément compte qu'ils devraient consulter. Le climat conflictuel de la société actuelle pousse aussi des individus qui ne vont pas forcément très mal à prendre rendez-vous. Ils ont besoin d'apprendre à vivre avec ce réel. « Nous voyons de plus en plus de personnes angoissées par la vie, qui s'interrogent sur l'avenir ou qui ne supportent plus le non-sens de leur existence et de leurs actes. Ils se gavent alors qu'ils voudraient manger moins. Ils rêvent d'un bel amour, mais rompent dès que quelqu'un les aime. Ou ils ne peuvent pas s'empêcher de faire souffrir les êtres qui comptent le plus pour eux ou de trahir leurs idéaux ».
Faire le point en quelques séances
Lorsque nous sommes en difficulté avec l'amour, la sexualité, ou que nous avons des angoisses, faut-il consulter un psychanalyste spécialisé dans l'un de ces domaines ? Non, en psychanalyse il n'y as pas de spécialité, un analyste bien formé peut tout entendre ou presque. Un psy qui prétendrait être sourd à la sexualité doit démissionner. Il est aussi envisageable de faire quelques séances, juste pour faire le point. Par exemple, après un attentat ou un drame personnel. Aucune souffrance n'est plus noble qu'une autre. Qu'il s'agisse d'une phobie des araignées, d'une angoisse de l'avenir ou de l'incapacité d'aimer, le problème en dit toujours plus long sur nous que nous le pensons.
Découvrir ses désirs inconscients
On voit bien de quelle manière le médecin guérit : en prescrivant des médicaments. Comment le simple fait de se raconter peut-il avoir un effet thérapeutique ? La parole en psychanalyse est sans rapport avec la conversation ordinaire. Cette thérapie suppose qu'en parlant nous découvrirons la vérité cachée, le désir inconscient qui guide notre existence. Car, quand nous parlons, nous disons toujours plus que nous croyons dire : c'est l'idée de base de cette discipline.
C'est d'ailleurs pour laisser notre parole se déployer que le psy s'abstient de prodiguer des conseils. D'où ce fameux aspect silencieux qui peut donner l'impression qu'il est indifférent, juste là pour encaisser notre argent. En fait, se taire est sa façon de parler. Tout l'art du psy est de savoir dire des choses importantes au moment où nous sommes mûrs pour les entendre. Certains d'entre nous imaginent se connaître assez bien pour analyser leurs difficultés seuls ou en les abordant avec un ami. Nous pouvons nous intéresser à nos rêves, essayer de comprendre nos lapsus, nos actes manqués, repérer les schémas de vie répétitifs qui nous rendent malheureux et tenter de leur trouver des causes. Mais connaître ses difficultés ne signifie pas savoir s'en dépêtrer. D'autant plus que, quand nous réfléchissons sur nous-mêmes, nous empruntons toujours les mêmes chemins de pensée. Nul ne peut déchiffrer seul son inconscient, qui, par définition, est... inaccessible à la conscience. La présence d'un tiers formé à l'écoute est indispensable .
Explorer ses carences affectives
Si nous voulons juste être débarrassés d'un trouble sans savoir pourquoi il nous affecte, comme le proposent d'autres méthodes qui agissent moins en profondeur, inutile de consulter. « La psychanalyse suppose que nous acceptions de nous responsabiliser sur ce qui nous arrive. Cette position éthique préalable la distingue des autres thérapies ». Des exemples : nous sommes régulièrement tyrannisés par des partenaires pervers, le psy nous incite à nous interroger : « Pourquoi est-ce que ça m'arrive à moi ? Pourquoi est-ce que je ne fuis pas aussitôt ? » Nous ne parvenons pas à garder un emploi, la question à se poser est : « Que s'est-il passé dans mon histoire pour que je sois incapable de trouver ma place ? » Lorsque notre vie amoureuse est un désastre, l'analyste s'abstient de nous fournir les règles du « savoir aimer » ou du « savoir séduire », comme le ferait un coach. Nous allons expérimenter nos capacités à aimer et à être aimés à la faveur du transfert, cette relation affective si particulière qui se noue entre le patient et l'analyste. Au lieu de demeurer dans l'ici et maintenant, lieu d'action privilégié des thérapies brèves, centrées sur la communication ou le comportement, nous allons explorer les manques de l'enfance, nos carences affectives les plus anciennes, en essayant de comprendre pourquoi nous aimons sur un mode masochiste.
Prendre du temps pour soi
Entrer en analyse, c'est décider de prendre du temps pour soi. Toutefois, « les premiers effets thérapeutiques peuvent être très rapides, et même immédiats, quand il s'agit de calmer des angoisses ». Beaucoup reprochent aux psychanalystes de ne pas proposer un programme de guérison, avec des étapes déterminées à l'avance, comme lors des psychothérapies brèves. « Nous ne savons pas à l'avance de l'orientation, Elle se découvre au fur et à mesure Car tout patient est unique. La science de l'inconscient pâtit encore de son image de thérapie longue et onéreuse, forgée dans les années 1960-70, aujourd'hui ce n'est plus la réalité. Il fait s'adapter aux conditions sociétales. . « Être psy, aujourd'hui, c'est accepter de gagner peu, Et plus personne ne vient trois ou quatre fois par semaine, comme c'était le cas il y a quelques décennies.
Il est difficile de Renoncer à ses dysfonctionnements
« Il m'a fallu des années pour accepter de voir que je vivais dans un mensonge permanent, se souvient Une patiente. Je me racontais que mes parents, malgré leur dureté, étaient aimants, que mon couple, en dépit des absences de mon compagnon, était une réussite. Aujourd'hui, j'accepte l'idée de n'avoir pas été aimée enfant et je saisis que j'ai choisi un partenaire guère aimant. Mais je suis en apprentissage : pour accueillir enfin les mots d'amour et les compliments ». S'il est une attente commune à tous les patients, c'est changer. Et incontestablement, une analyse bien menée nous transforme : elle rend plus créatif, plus sûr de soi, plus indépendant. Elle rend Bien Avec soi, plus centré. Elle supprime les souffrance névrotique ou du moins aide à mieux les accepter. Quand on change alors l'entourage change aussi. Ce changement ne satisfait pas forcément l'entourage. Ceux-là mêmes qui nous encourageaient à « aller parler à quelqu'un » quand nous étions déprimés, anxieux, vulnérables peuvent être déstabilisés par notre nouvelle façon d'être. Le chemin vers la liberté peut s'accompagner de moments de stagnation ou d'angoisse surtout vers la fin. L'irruption de vérités douloureuses, le renoncement aux fonctionnements inadéquats, qui constituaient notre ordinaire depuis longtemps, entraînent souvent des passages dépressifs, des problèmes psychosomatiques. Jusqu'au moment où nous aurons acquis une nouvelle position face à l'amour, aux autres, à l'existence. Il n'empêche que l'analyse ne fait pas que des heureux. « Freud l'a constaté rapidement, l'analyse ne convient pas à tout le monde. Et elle-même doit renoncer à l'espoir utopique de guérir tous les maux. Il semble y avoir en l'homme un besoin d'atrocité inéducable contre lequel elle reste impuissante. Il y a aussi ce paradoxe : ne pas guérir est, parfois, préférable à un changement qui plonge dans l'inconnu ou obligerait à renoncer à se plaindre (surtout quand on cherche à culpabiliser ses parents). Mais cela est une autre histoire